Né à Saint-Malo le 9 janvier 1866 ; fils de Julien François Le Maillot, préposé aux douanes, né à Tréguier le 1er septembre 1829, décédé à Saint-Malo le 18 février 1907, et de Victoire Jeanne Marie Colin, née à Cancale en 1836.
Marié à Saint-Malo le 11 février 1907 avec Anne Marie Marchand. Requête de divorce le 26 juin 1907.
Décédé à Bordeaux le 16 juin 1953.
Les documents d’archives décrivent Henri Le Maillot comme un homme de taille moyenne, maigre, au teint bileux.
Malouin de naissance, Henri Le Maillot fait sa scolarité au cours élémentaire du Grand Placitre. Il poursuit ses études comme élève-maître à l’École normale d’instituteur de Rennes de 1883 à 1886. Lorsqu’il obtient son brevet d’enseignant, il est nommé à Noyal-Sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine), mais démissionne au bout de quelques mois déclarant dans sa lettre de démission que la vie d’instituteur était nuisible à sa santé et que s’il ne changeait pas de profession il serait continuellement malade [1]. Il espère pouvoir faire son service militaire mais se voit réformé [2]. Il rentre donc chez ses parents 8, rue Sainte-Anne à Saint-Malo et travaille pendant un an comme comptable chez Mademoiselle Plisson, épicière rue de Toulouse. Il œuvre ensuite un an comme clerc chez un notaire malouin nommé Le Masson. Malgré ses réticences pour l’enseignement, il est contraint pour vivre d’intégrer l’école des Frères de la rue de Toulouse pendant trois ans comme professeur de mathématiques. Il est ensuite employé par l’école d’hydrographie de Saint-Malo jusqu’en 1903.
[1] AD 35 : 12T 114 Dossier personnel d’instituteur, lettre de démission datée du 19 septembre 1887.
[2] AD 35 : 1R 1684 Matricule militaire 1535arrondissement de Saint-Malo et Dinan, volume 4.
Il s’inscrit comme membre de la Société photographique malouine et servannaise en 1900 dont il devient le trésorier en 1901. Il commence alors à éditer des cartes postales. Certains de ses premiers clichés sont imprimés par Bergeret de Nancy ou publiés par les éditions Germain Fils Ainé [1] (cliché H.L.M.), dont le fonds a été racheté par Toussaint Guérin [2]. Pour ses propres cartes postales, Le Maillot utilise comme première signature les termes «Collection H.L.M.», puis un casque d’armure à plumet et les initiales H.L.M. Il installe son magasin de vente dans la cour du 8 rue Sainte-Anne. Sa mère, Victoire Le Maillot se déclare dès lors négociante en cartes postales et gère le fonds. Elle passe des annonces dans le journal Le Salut [3] pour recruter ses voyageurs de commerce avec qui elle signe généralement un accord de 30 francs de fixe, 10% sur les ventes et remboursement des frais de route. Le magasin est tenu de 1902 à 1904 par Marcel Stéphan qui habitait rue de Toulouse, puis par Louis Richard. Le Maillot vit de ce commerce jusqu’en 1906 tout en donnant des répétitions aux élèves d’ l’hydro à son domicile privé. Étant donné qu’il n’a pas de laboratoire pour le développement de ses clichés, il dispose du local aménagé par la Société Photographique 1, rue Saint-Thomas. Quelques photographes font appel à lui pour développer leurs clichés comme Henri Laurent de Port-Louis [4].
[1] Auguste Charles Albert Germain (1868-1907).
[2] Quand Maurice Guérin succède à son père il s’installe rue Thévenard et récupère toutes les plaques photographiques du fonds d’édition familiale, dont le fonds Germain Fils Ainé. Malheureusement l’ensemble est détruit lors des bombardements d’août 1944.
[3] Journal bi-hebdomadaire de la Côte d’Émeraude créé en 1872.
[4] Henri Marie Laurent (1880-1960), connu à Rennes sous son nom d’éditeur Laurent-Nel.
Le 9 mars 1906, il s’associe à deux hommes, Édouard Moreau, patron du café des Voyageurs place Chateaubriand, établissement qui servait de siège à la Société Photographique Malouine et Servannaise, et Ludovic Roset, photographe. Ils créent un magasin, 3, rue Saint-Vincent, spécialisé dans la vente de gravures, cartes postales, produits photographiques de chez Charpentier (magasin de la rue Broussais). Roset est chargé de tenir le magasin qui porte l’enseigne « Photo-Club ». Le 3 rue Saint-Vincent comporte des laboratoires, des chambres noires mais pas d’atelier de prise, c’est pourquoi Le Maillot continue de disposer du local du 1, rue Saint-Thomas. Il travaille avec Louis Richard qu’il a pris comme apprenti. Lorsqu’il ne le seconde pas, Richard s’occupe seul de l’atelier de pose. En décembre 1906, la Société photographique est dissoute, Le Maillot rachète le matériel et acquiert les locaux. Il dispose donc de deux ateliers : le premier rue Saint-Vincent, l’autre rue Saint-Thomas. Il installe un opérateur rue Saint-Thomas de mars à octobre 1907, nommé Mesnil. En mai 1907, il rencontre de grandes difficultés avec ses associés : l’association est liquidée le 15 mai et le fonds rue Saint-Vincent est vendu. Le Maillot arrive à occuper l’atelier de la rue Saint-Vincent jusqu’en février 1908. Ensuite il se contente de l’atelier rue Saint-Thomas et de son magasin rue Sainte-Anne.
Carte postale de la rue Saint-Vincent, photographie d'Henri Le Maillot.
Papier à lettre et carte postale H.L.M. du Café des Voyageurs, place Chateaubriand, siège de la Société photographique Malouine et Servannaise.
Les locaux de la rue Saint-Vincent comprenaient au rez-de-chaussée un magasin de vente donnant sur la rue, une arrière-boutique et une chambre noire pour amateurs ; à l’entresol, au-dessus du magasin, il y avait un petit bureau, un atelier de tirage et de séchage, un atelier de lavage susceptible d’être transformé en chambre noire et une chambre noire.
Rue Saint-Thomas, l’atelier était au troisième et dernier étage du numéro 1. Il comprenait un vaste atelier de pose, une galerie garnie de rayons sur lesquels étaient placés de très nombreux clichés et meublée d’un coffre en bois supportant une presse et d’un peu de mobilier léger comme des tables ; il y avait ensuite un laboratoire de lavage, un laboratoire d’agrandissement et trois chambres noires.
Le magasin, en fond de cour rue Sainte-Anne, ne comportait que deux pièces garnies de rayons sur lesquels étaient rangés de nombreuses séries de cartes postales représentant des vues de la région malouine édités pour la plupart chez Dugas à Nantes. Il est arrivé à Le Maillot d’utiliser les services des éditions Colas de Cognac ou Bergeret à Nancy.
Plan du 3 rue Saint-Vincent et du 1, rue Saint-Thomas d'après les relevés du juge d'instruction du 13 décembre 1910. AD 35: 2U 1407.
En novembre 1910, une enquête du juge d’instruction de l’arrondissement de Saint-Malo met fin à la carrière d’Henri Le Maillot. Sans rentrer dans les détails d’une affaire sordide d’attentat à la pudeur dans laquelle les gendarmes de Saint-Malo ont découvert plus de quinze victimes, l’affaire Le Maillot met en lumière d’autres histoires liées à des trafics d’images pornographiques dans la ville de Saint-Malo, trafics indirectement liés à des affaires graveleuses et de prostitution de mineures [1]. Dans son bref compte-rendu du procès d’Henri Le Mailllot devant la cour d’assise d’Ille-et-Vilaine, le journaliste de l’Ouest-Éclair écrit qu’il était temps « d’opposer une digue à cette marée de boue » [2], empruntant le lexique utilisé par Octave Uzanne [3] dans un autre article, «Les attentats par l’Image : le Dégout Public» à la une de l’Écho de Paris du 11 décembre 1902. Ce troisième article d’Uzanne contre l’icono-pornographie et la débauche par l’image, frappe d’autant plus que cet homme de lettre, en lutte contre la pudibonderie bourgeoise, était connu comme chantre des gauloiseries et autres gaudrioles [4].
[1] Après le scandale de la « traite des chanteuses » en 1906-1907, citons, entre autres, le problème des cabarets borgnes ; pour 1911 voir les articles du journaliste Charles Frédouet, collaborateur de l’Ouest-Éclair, futur directeur de l’Ouest-Journal, comme « Cabarets borgnes et traite des blanches : 4000 bonnes de café à Nantes 1000 mineures !... La situation à Saint-Malo », in Ouest-Éclair, 31 mars 1911, p. 1.
[2] « L’affaire Le Maillot », in Ouest-Éclair de Rennes, 18 mai 1911, p. 2.
[3] Octave Uzanne (1851-1931), homme de lettres et bibliophile.
[4] « Les outrages par l’image : du Balai ! du Balai », in Écho de Paris, le 27 novembre 1902. « Nos mœurs en façade : le cloaque pornographique » in Écho de Paris, le 20 novembre 1902. « Les outrages par l’Image : Défendons-Nous ! », in Écho de Paris, le 25 décembre 1902.
La rue Saint-Vincent à Saint-Malo a été le lieu de nombreuses ventes de cartes postales présentant des « caractères de la plus basse pornographie » [1], le plus souvent par des camelots itinérants [2], parfois par des commerçants comme le bijoutier Charles Termelet, 5, rue Saint-Vincent, ancien voisin du « Photo-Club », bien connu de la justice, qui passe de nouveau en correctionnelle en juillet 1911 [3]. Termelet faisait lui-même ses gravures et ses cartes postales : en 1907 il avait du matériel d’imprimerie pour des cartes postales fantaisies [4]. Il vendait ses cartes pornographiques à des touristes anglais dans sa boutique et dans deux autres magasins à Saint-Malo et Dinard, en les faisant passer pour des nus académiques [5].
[1] « Cartes postales obscènes », in Ouest-Éclair, 20 août 1910, p. 3.
[2] « Camelot pornographe », in Ouest-Éclair, 26 août 1910, p. 3.
[3] « Termelet vient encore d’être refait : l’imprudent !... il voulait vendre des gravures obscènes à un commissaire spécial », in Ouest-Éclair, 29 juin 1911, p.3. « Termelet en correctionnelle : « Mon père est mort fou !... Je suis dégénéré !... Un cerveau malade ! Ayez pitié de moi ! », in Ouest-Éclair, 14 juillet 1911, p. 3.
[4] Ouest-Éclair, 11 décembre 1907, p. 6.
[5] « Termelet vient encore d’être refait : l’imprudent !... il voulait vendre des gravures obscènes à un commissaire spécial », in Ouest-Éclair, 29 juin 1911, p. 3.
Dans le cas de Le Maillot, les gendarmes ont découvert qu’il conservait des dessins pornographiques et qu’il était l’auteur de cartes postales photographiques « d’un caractère obscène et de nature à corrompre les bonnes mœurs » [6], dont les modèles pouvaient être des femmes adultes (cartes postales éditées chez Colas à Cognac) ou des jeunes garçons, cartes postales qu’il exhibait à ses victimes. Même si Le Maillot s’est défendu en déclarant que dans son opinion, ces cartes postales n’offraient rien de suggestif et représentaient le nu artistique, les archives de son procès [7] laissent clairement comprendre qu’il s’agissait pour la plupart d’images que nous qualifierions aujourd’hui de pédophiles. Henri Le Maillot est condamné le 18 janvier 1911 à cinq ans de travaux forcés sans interdiction de séjour pour attentat à la pudeur. Le 29 janvier 1912, sa peine est commuée en cinq ans de réclusion : en effet, lors de sa détention au dépôt de forçats de Saint-Martin-de-Ré, Le Maillot donne des renseignements sur deux de ses codétenus déjà embarqués sur un steamer en direction de la Guyane au Procureur général de la cours d’appel de Rennes. Il finit ses jours à Bordeaux.
La plupart des cartes postales H.L.M. sont d’une belle qualité et certains de ses clichés artistiquement intéressants. Le Maillot a eu un rôle dans le développement de la photographie amateur et professionnelle de la région malouine. La qualité de son travail en laboratoire de tirage a toujours été reconnue. L’affaire La Maillot nous oblige à porter un autre regard sur ses photographies, surtout lorsqu’elles mettent en scène des enfants. La connaissance des détails de l’affaire fait oublier les images touristiques de la Belle Époque et nous oblige à voir l’envers du décor de la vie malouine du début du 20ème siècle. L’étude de la carte postale illustrée ne se limite pas à l’analyse d’une image. Derrière ses illustrations balnéaires d’une hospitalité souriante se cache des éditeurs et des photographes ancrés dans leur société, dont la vie et la production reflète l’actualité, le quotidien, mais aussi les mentalités et les déviances d’une époque.
Pour citer cet article:
Chmura Sophie, " L'envers des cartes postales, les éditions du casque H.L.M.", cartes-postales de Rennes ou d'ailleurs, mis en ligne le 5 septembre 2014. http://cartes-postales35.monsite-orange.fr, consulté le .