Pour citer cet article :
Chmura Sophie, « Les cartes-postales "N. Le Trionnaire" », cartes-postales de Rennes ou d'ailleurs, mis en ligne le 29 mai 2020, http://cartes-postales35.monsite-orange.fr, consulté le
Adolphe Noël Le Trionnaire, dit Noël Le Trionnaire, est né à Vannes le 25 décembre 1891. Son père Jean François Le Trionnaire était cordonnier (Vannes, 25 juin 1851 - ?) et sa mère Aimée Amélie Mossler Schmith (Fontevrault, 21 septembre 1855 – Lorient, 1er mai 1900) ouvrière de fabrique avant de devenir ménagère. Son épouse décédée, Jean Le Trionnaire se remarie en 1901 avec Marie Perrine Henriette Pédrono, journalière née à Vannes le 10 août 1873.
En 1909, Noël Le Trionnaire quitte Vannes. Il s’installe 33 boulevard de Doulon à Nantes chez sa tante Louise (née à Vannes en 1865), épouse de Lucien Moisan (né à Mauron le 2 mai 1862) qui exerce le métier de représentant de commerce. Noël Le Trionnaire débute sa vie professionnelle comme sténo-dactylographe.
En 1910, il s’engage pour trois ans au 13e Régiment de Hussards à Dinan, mais il est réformé en juillet 1911 pour bronchite suspecte. Il est reconnu apte au service en 1912 et incorpore le 41e Régiment d’Infanterie à compter du 11 octobre. En 1913, il revient vivre boulevard de Doulon à Nantes. Il travaille alors comme représentant de commerce. Il est rappelé à l’activité en août 1914, mais réformé de nouveau pour bronchite suspecte le 1er octobre 1914.
Il se marie à Nantes le 5 juin 1916 avec Germaine Dumont, née à Tunis le 20 novembre 1895, fille du Commandant François Dumont, Officier de la Légion d’Honneur (Lyon, 24 avril 1863 - Val-André, 2 août 1940) et de Marguerite Louise Livet (Lyon, 18 mars 1863- ?). Le couple a une fille, Monique, qui naît à Angers en 1917. En 1919, ils vivent à Rennes au 10 quai Richemont.
Noël Le Trionnaire travaille juste à côté de son domicile au 12 quai Richemont. Il a acheté en janvier 1918[1] un commerce d’articles pour fumeurs qui fait également dépôt d’allumettes. Le 12 quai Richemont est aujourd’hui un immeuble de logements, mais il avait été construit vers 1890 par Olivier Jean Marie Joseph Briand (Betton, 28 avril 1850 – Rennes, 27 mars 1913) pour accueillir une manufacture de pipes.
Papier à Entête.
Outre des produits pour fumeurs et priseurs, le successeur d’O. Briand, Louis Hervé (Rennes, 20 avril 1857 - 12 avril 1922)[2], produit dès 1902 des articles pour pêcheurs et chasseurs. La manufacture est renommée pour ses articles de maroquinerie, ses cartes à jouer et ses papiers à cigarettes.
Papier à entête.
Carte-postale "C.B."
Le bâtiment enduit qui a deux étages carrés couverts d'un toit en terrasse à balustrade abritait l’atelier de fabrication. La façade antérieure est rythmée par deux travées de fenêtres géminées bordées d'un balcon. Le second corps de bâtiment qui est accolé et en retrait, compte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage carré. Il est flanqué, au premier étage, d'une échauguette dans l'angle et d'une tourelle carrée en surplomb qui se développe sur un étage supplémentaire qui permet d'accéder à la terrasse du toit.
Dans la fabrique, il y avait un entrepôt d'allumettes et de mèches à mine. La plupart des publicités passées par Le Trionnaire dans la presse en 1919 et 1920 concerne la vente en gros de ce type de produits.
Papier à entête.
Publicité, journal Ouest-Éclair du 15 septembre 1919.
En 1921, Le Trionnaire crée au 12 quai Richemont une société au nom collectif « Le Trionnaire et Chapin », avec Alexis Chapin (Guichen, 5 octobre 1881- ?), commerçant – ancien négociant en tissus- demeurant 3 rue Luzel à Rennes. Cette société a pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce « tant d’articles de fumeurs, de chasse, parfumerie, papeterie, maroquinerie et généralement toutes fournitures pour bureaux de tabacs, que d’un entrepôt d’allumettes »[3].
Les premières cartes-postales de la cartoliste de N. Le Trionnaire sont pour la plupart des cartes illustrées qui viennent de la collection de l’éditrice Aurélie Déchelette (Bain-de-Bretagne, 16 février 1860 – Rennes, 28 juin 1947) qui avait arrêté d’éditer vers 1910[4]. Le Trionnaire a juste renuméroté les cartes-postales légendées par Aurélie Déchelette, cartes illustrées créées à partir de 1906. Avant lui, ces cartes avaient été mises en vente par l’éditeur « L.H.R ». Il est possible que ces initiales signifient « Louis Hervé Rennes » à qui Le Trionnaire succède 12 quai Richemont. Pour l’heure, il n’y a pas de sources confirmant cette hypothèse.
Cartes-postales du Champ-Dolent A. Déchelette, L.H.R., N. L. Trionnaire.
La collection L.H.R. comprend aussi bien des cartes-postales de la collection Déchelette que des cartes déjà éditées par le Grand Bazar Parisien[5].
Cartes-postales du Moulin du Comte A.G. et L.H.R.
Le Trionnaire ne met pas en vente l’ensemble des cartes-postales de Déchelette et de L.H.R. car sa collection concerne avant tout Rennes. Il complète sa cartoliste rennaise dès 1919 avec de nouveaux clichés. Le cliché de l’hôpital militaire n°5 place Hoche a été pris avant sa fermeture le 10 mars 1919[6].
La photographie de la maison des Quatre-Bœufs au Carrefour Jouaust (rue Saint-Louis dans la légende de la carte-postale) a été prise entre 1919 et 1923 : d’après le recensement de 1921, Michel Marie Armand Cormier (né à Saint-Gilles le 18 octobre 1874), ancien boulanger, tient l’hôtel. Il a pris la suite de Marie-Louise Amice (née à Rennes le 29 août 1853), épouse de Jean-Marie Cognard (né à Servon le 3 août 1847), qui avait hérité des Quatre-Bœufs en 1894 et qui y travaillait encore en 1911[7]. Depuis octobre 1920, Marie-Rose Cognard (née à Rennes le 1er mars 1877) et Jean-Marie Joseph Hervé (né à Corseul le 29 mars 1882) en étaient devenus les propriétaires. Ils vendent l’hôtel en 1923 à Michel Cormier et à son épouse Marie-Ange Renaudin (née à Mordelles le 6 décembre 1875)[8].
Le photographe, qui est peut-être Le Trionnaire lui-même, n’utilise par le procédé de l’instantané. En effet, la grande majorité de clichés présente des flous bougés, parfois impressionnants comme dans les prises de vue du Vieux Cours et du bas des arcades rue de Coëtquen.
Les scènes posées sont les plus nettes comme sur la vue qui montre les arcades du côté de la rue de l’Hermine.
Difficile de savoir pourquoi le photographe a utilisé un procédé qui ne lui a pas permis d’éviter les traînées abstraites et les apparences fantomatiques. Cela lui importait peut-être peu car il donnait priorité au sujet architectural au détriment de la représentation des habitants, à moins qu’il n’ait bénéficié que d’un appareil nécessitant des poses longues. Aujourd’hui, ces vues urbaines avec ces figures floues ont une véritable épaisseur narrative justement parce qu’elles montrent de personnes en mouvement et dans l’action qui nous apparaissent comme des fantômes du passé dont nous n’avons plus qu’à imaginer l’histoire et les raisons de leur action.
Entre 1921 et 1923, la maladie de Noël Le Trionnaire s’aggrave. Il meurt à Saint-Médard sur Ille d’une tuberculose bilatérale le 27 mai 1923. Son épouse décède le 3 mars 1990. Les cartes-postales illustrées qu’il a édité pour compléter celles qu’il a récupéré de la collection Déchelette/L.H.R. donnent un portrait de la ville de Rennes entre 1919 et 1922.
[1] Ouest-Éclair, 11 janvier 1918.
[2] À sa mort, ancien négociant, Président des Ecoles Libres de Rennes et membre du Souvenir Français, domicilié 10 rue de Fougères à Rennes.
[3] Ouest-Éclair, 3 avril 1921.
[4] Chmura (S.), « A. Déchelette (1960-1947), éditrice de cartes-postales à Rennes », cartes-postales de Rennes ou d'ailleurs, https://cartes-postales35.monsite-orange.fr/page-5de2d4042f3cc.html
[5] Chmura (S.), L’éditeur de cartes postales « A.G. » de Rennes, cartes-postales de Rennes ou d'ailleurs, cartes-postales35.monsite-orange.fr/page-59de2a0b51168.html
[6] L’hôpital militaire n° 5 de Rennes était installé dans la Faculté des Lettres, place Hoche. Il comptait 268 lits. Il a fonctionné du 14 août 1914 au 10 mars 1919. L’établissement était spécialisé dans les soins aux grands blessés. Entre mars et août 1915, des blessés et malades africains et belges y furent hospitalisés. En novembre 1915, l’hôpital n°5 devient un centre régional de stomatologie et le 25 janvier 1916, un centre de prothèse maxillo-faciale.
[7] Archives municipales de Rennes, recensement de population 1F101.
[8] Chmura (S.), Le Secteur Sauvegardé de la ville de Rennes : l’habitat urbain du Moyen-Âge à la Révolution ; EXTRAIT du mémoire de D.E.A soutenu à l'Université de Rennes 2, Laboratoire histoire et critique des arts, 2003, 3 tomes, https://patrimoine2rennes.monsite-orange.fr/page-5405887749a49.html